Nouvelle à découvrir si vous connaissez bien le film et la scène du « blood test »
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Qui sont ces gens ?
Où suis-je ?
Qui suis-je ?
Impression de flou, comme si je venais de me réveiller, pourtant, je le suis parfaitement.
Ou plutôt une sorte d’absence.
Je suis ligoté à un sofa, et sur ma droite j’observe deux autres hommes, attachés également, tandis que d’autres encore se tiennent debout. Tous fixent un barbu, habillé chaudement, qui nous menace avec un lance-flamme.
Je ne comprends rien à ce qui se passe.
La pièce où nous nous trouvons est une sorte de salle de jeux, ou de repos. Un énorme jukebox orange et une borne d’arcade côtoient un flipper. Des cibles de jeux de fléchettes et une énorme carte habillent le mur. Il s’agit d’une carte de l’Antarctique. La couleur bleue qui perce des fenêtres me confirme ce que les autres indices suggèrent : je suis bien au pôle Sud, dans ce qui ressemble à une base.
J’ignore d’où me vient cette certitude.
« Détachez-moi », me hasardé-je.
Aucun son ne sort de ma bouche : mes pensées ont l’interdiction d’être transmises à mes cordes vocales. Personne ne me prête attention, tous sont captivés par cet homme.
Il chauffe un fil électrique avec l’amorce de son lance-flamme et des coupelles emplies de sang attendent sur une table, à côté de lui.
Cette scène est surréaliste … et incompréhensible.
Je ressens une légère pulsation au niveau de mon pouce, qu’une gaze recouvre. J’en déduis que l’une des coupelles contient de mon sang.
Je me sens captif de mon corps, prisonnier de cette réalité inexplicable et la peur commence à roder autour de mon esprit. Je la combats. Si elle me submerge, je suis perdu : une autre certitude.
L’homme au lance-flamme plonge le câble dénudé et chauffé à blanc dans le récipient portant l’étiquette « Windows ». Le fil émet un son semblable à un fer à cheval plongé dans l’eau, laissant échapper un fin filet de fumée. Un autre barbu, une blessure récente sur le front et habillé d’une chemise bleue lâche un soupir de soulagement.
– Tu es ok. Bon, enfile ça et surveille-les.
Windows ne demande pas son reste et s’équipe à son tour d’un lance-flamme.
– Je vais maintenant vous montrer ce que je sais déjà.
Il réitère le processus, qui donne le même résultat lorsqu’il le plonge dans le sang d’une coupelle portant le nom de « MacReady ». J’en conclus que c’est le barbu qui mène la dance.
– C’est des conneries, lance l’homme noir, attaché au sofa avec moi.
Un autre, stoïque, cheveux gris, se trouve entre nous deux.
– Au tour du Doc et de Clarke.
Je tourne la tête et découvre deux corps allongés et ligotés sur un billard. Celui de gauche, encore un barbu, présente un trou au milieu du front, et le sang qui l’auréole ne laisse aucun doute. Cet homme est mort d’une balle dans la tête. Le second, un peu dégarni, pourrait bien être inconscient, je ne vois rien d’autre depuis ma position. Le fil électrique s’éteint dans la coupelle portant le nom de « Copper ». La tension est palpable, je ne comprends toujours pas ce que je fais là, mais je sais que j’ai peur.
– Maintenant Clarke, annonce MacReady.
Même résultat, alors que Windows tient nerveusement en joue les deux corps inertes.
– Clarke était humain, ce qui fait de toi un meurtrier, déclare mon compagnon d’infortune.
Clarke était humain… ? Ai-je bien entendu ? C’est du délire, qu’est-ce qu’il a voulu dire ? J’ai envie de protester, de crier, d’essayer de me lever, mais mon corps ne réagit toujours pas, comme s’il ne m’appartenait plus, comme si j’en étais le locataire.
– Palmer maintenant.
Une sensation étrange m’envahit, je suis Palmer, j’en suis sûr. Mes yeux me brûlent, mais mes paupières ne réagissent pas quand je leur ordonne de se fermer. Ce qui devrait être un réflexe ne l’est plus. Pourtant, je sens une contraction de mon visage, comme si j’esquissais un demi-sourire. Une panique sourde m’enveloppe tout entier mais seul mon esprit semble fonctionner. J’implore que l’on me détache, qu’on m’explique, qu’on me laisse partir, que je n’ai rien à voir avec ces gens, avec leur jeu malsain et incompréhensible.
Rien ne se passe.
– Ça n’a aucun sens, cela ne prouve absolument rien, déclare mon voisin direct.
Une colère gronde dans chaque mot qu’il profère, mais reste stoïque en les déclamant.
– Bien sûr que tu penses ça Gary. Tu étais le seul à avoir accès à la banque de sang. Tu seras le dernier.
Alors que MacReady regarde celui qui partage mon sort, il plonge machinalement son câble testeur dans ma coupelle.
Un étrange cri de douleur retenti alors que le sang produit une gerbe pour fuir cette agression. MacReady lâche précipitamment mon récipient, tandis que l’hémoglobine qui recouvre le sol ruisselle dans plusieurs directions, animée de sa propre volonté pour s’échapper. Mon corps tout entier est pris de tremblements je ne peux plus rien maîtriser, ni mes mouvements, ni mes pensées, ni la terreur qui m’a définitivement englouti. MacReady pointe son lance-flamme vers moi, mais il est défectueux. La douleur devient insupportable alors que je sens mon visage se dilater, mes globes oculaires gonfler et éclater. Je ne vois plus rien. Mes mains et mes pieds se déforment et enflent, tandis que la douleur atteint son paroxysme. Pourtant mon esprit ne s’est pas décidé à baisser le rideau et je subis, encore et encore. Quelques sons me parviennent : les cris de mes voisins de canapé, le lance-flamme qui refuse toujours de fonctionner, une panique générale. J’attends la fin avec impatience maintenant. Soudain, je suis projeté au plafond, faisant fi de la pesanteur, avant de retomber sur ce qui fut jadis, des pieds.
– Windows, crame-le !
Oui crame-moi et mets fin à mon martyr… Je sens clairement, et effroyablement, ma tête se déchirer en deux part égales, avant de sombrer enfin dans un néant salvateur et bienveillant.
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